vendredi 22 décembre 2017

Conversation avec son imaginaire - 3/ Le Kay

Voici le troisième volet de cette suite d'essais, à voir ici et .

En route dans les méandres de l'imaginaire

J'entends les pas du Kay résonner dans l'espace vide que nous partageons. Il marche calmement autour de moi. Cet espace est brumeux, indéfini. Le sol est immaculé, solide, tout autant que le Kay. Le rythme de ses pas est régulier, tel un métronome. Le silence se fait lorsque je cherche à le définir. L'écho vague de ses pas persiste. Une éternité pourrait passer. Il ne tient qu'à moi de rompre le voile. Le reflet de mon image se dessine. Juste un reflet, couronné d'une crinière sombre comme la nuit. C'est moi sans être moi. Nous sommes les deux faces d'une même pièce, une pièce à la base ferme sur laquelle repose une dimension visible. Les deux faces ne peuvent être visibles en même temps. J'ai choisi la face du Kay. Il ne parlera que lorsque je le souhaiterai. Il m'avait dit de parler en mon nom. Mon imagination fait parler ce reflet alors qu'il s'agit simplement d'une l'illusion que j'ai choisie de créer. Je me compose un rôle plus grand que ce que j'estime être. Le Kay m'incitait à être plutôt qu'à jouer. Être son propre jouet, son propre outil. Je l'ai écouté, je me suis écouté. Qu'est-ce qui a changé ?

Kay (K): Tu me fais parler à nouveau ?

Cowa (C): Je ne devrais pas ?

K: Rien ne t'oblige à quoi que ce soit, à faire ou ne pas faire. Libre à toi.

C: Qu'est-ce que je suis censé faire ?

K: Qu'est-ce que JE ferais ? C'est ça ta question ? Te sens-tu à ma hauteur ? Suis-je un héros ou une légende pour toi ?

C: Tu es l'un et l'autre.

K: Pour les autres oui, mais pas pour nous. On peut se croire un héros, un temps donné. On peut marquer les esprits par cette idée persistante, mais il est difficile d'être un héros perpétuellement, au jour le jour, d'une seconde à l'autre, de manière indéfectible et immuable.


C: Être un héros un jour suffit parfois pour une éternité.

K: Tout à fait. As-tu déjà eu ce sentiment ?

C: Plus ou moins.

K: Plus ou moins, voilà les mots justes. Je suis un héros plus ou moins. Veux-tu entendre le côté plus ou le côté moins ?

C: Pourquoi devrais-je entendre le côté moins ?

K: Parce que c'est en touchant le moins que tu t'élèves au plus, et vice versa.

C: L'amplitude émotionnelle.

K: Elle est un tremplin. Faut-il encore savoir sauter correctement.

C: Je reformule donc ma question. Comment puis-je sauter correctement ?

K: Quand on vise les sommets, il ne faut pas avoir peur de chuter.

C: Il faut alors que je cesse d'avoir peur de chuter.

K: T'es-tu assez exercé pour ça ?

C: Sans doute pas, mais le temps s'écoule irrémédiablement.

K: Alors il va falloir sauter comme tu ne l'as jamais fait auparavant. Car tu as à choisir entre vivre et survivre. Si tu ne sautes pas, tu te condamnes à une existence à l'issue irréversible, à une impasse sans échappatoire. Si tu sautes, tu prends le risque de réussir et de t'ouvrir à de nouveaux horizons. Oui, il y a un risque, on vit toujours dans le risque de mourir, mais on vit. Souhaites-tu vivre ?


C: Sauter, changer, s'adapter.

K: Aimer.

C: ...

K: Ta réponse est le silence. J'ai aimé, jusqu'à exploser et me briser en milliers d'étoiles. Mon amour est connu de tous, il est la colonne vertébrale de mon histoire. Sans lui, j'aurais sombré dans l'oubli. Tu l'as raconté, tu ne l'as pas vécu.

C: Sauter et vivre l'amour.

K: Quelle image étrange que m'envoie ton époque. Tu sais de quoi je parle, mais tu doutes. L'amour est folie, pas le doute. Tu as peur de sauter, tu as peur d'aimer. Cette hésitation est un poids trop lourd pour réussir ce saut. Plonge et traverse cette mer d'angoisse. Plonge et replonge jusqu'à dissiper cette appréhension. Fais battre ton coeur tant que tu le peux, laisse le te propulser plus loin que tu ne l'aurais jamais cru possible. Tu l'entends parfois, enfoui en toi, fort et fragile à la fois, tel une étincelle qui a besoin de s'embraser. Ton coeur t'appelle, l'entends-tu ? Il tape à la porte de ta conscience. Pourquoi ne lui ouvres-tu point ? Son langage est le tien, mais tu l'écoutes si peu. Tends l'oreille. Il parle, comme parlait le rythme de mes pas. Sereinement. Tu lui as donné un nom, mon nom. Un nom pour te guider, pour le rendre audible à ta raison. Tu m'écoutes maintenant. Tu es surpris. Il te conte des histoires, ton histoire, si tu es prêt à me suivre. Inspire-toi de moi, sois le souffle de ma pensée, fort et léger, pour te hisser plus haut, au-dessus des nuages, sous la lumière du ciel à ta portée. Étends les ailes dont tu as besoin, respire l'air autour de toi, à plein poumon, enivre ton esprit du beau qui t'envahit. Tu es enfin toi, dans ton élément, prêt à être le héros que tu souhaites.

S'élancer pour s'envoler.